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Nassogne, le village qui ne veut pas mourir.

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Un reportage de Camille et Georgette Noguet.

Nous savons tous qu’un problème très grave préoccupe ceux qui s’occupent des intérêts de la Wallonie : l’exode rural. Comment freiner cet exode, comment l’arrêter enfin ? C’est à coup sûr devant ces quelques mots que bien des plumes enthousiastes quant à l’avenir du sud de la Belgique et se sont brusquement arrêtées.

Aussi faut-il saluer avec respect et applaudir très chaleureusement ceux qui ont tenté de remonter le courant. Mais c’est avec des cris d’allégresse qu’il faut accueillir cette nouvelle qui nous arrive des environs de Marche : Nassogne a gagné la partie haut la main. Nassogne a gagné la guerre contre l’exode que son bourgmestre et son conseil communal ont commencée en 1947.

Appel aux jeunes ménages

— Le notaire Poncelet, nouveau bourgmestre en 1947, m’explique le secrétaire communal (NDLR : Jules Mouton), s’était juré de faire de Nassogne un exemple vivant pour la Wallonie et particulièrement pour l’Ardenne. Très logiquement, il s’est dit qu’il fallait tout d’abord empêcher nos jeunes ménages de quitter le village et qu’il fallait aussi en amener d’autres. Mais, comme on dit chez nous, on ne prend pas des mouches avec du vinaigre.

— Autrement dit, il faut procurer aux jeunes ménages des avantages pour les pousser à rester ou à s’installer.

— Juste ! Il faut leur donner du travail, un logement convenable et des facilités de tous genres.

— Qu’avez-vous fait pour ce qui regarde le travail ?

— Nous avons ouvert toutes larges les caisses communales pour ce qui regarde la vie du village. Voilà la grosse question. Tout le reste, ce sont, au fond, des détails.

Primes et primes

— Ici, poursuit le secrétaire, les primes à la construction s’élèvent à 25 000 francs. De plus, on raccorde gratuitement toutes les maisons à l’eau et à l’électricité. Mais ce n’est pas tout : quiconque veut construire reçoit 10 mètres cubes de bois pour ses charpentes.

— C’est magnifique !

— Celui qui veut améliorer son logement reçoit 20 % du coût de transformation jusqu’à concurrence d’une somme de 60 000 FR. La prime maximum est donc de 12 000 francs, ce qui se voit rarement. Il faut ajouter à cela que nous avons instauré une prime à l’achat de maisons. Elle est fixée à 6000 francs comme base, plus 1000 francs par enfant jusqu’au troisième enfant, et 1500 francs pour les suivants.

— Politique familiale, ce me semble.

— Le secrétaire communal sourit : je dois ajouter que le bourgmestre lui-même a six enfants. Cela explique beaucoup de choses, et son intérêt aux familles des autres. Il sait de quoi il retourne !

Des résultats rapides

— Le village comptait 886 habitants en 1947. il en compte 1025 à l’heure où je vous parle. Pour les Ardennes, ce résultat est, je crois qu’on peut le dire, réellement sensationnel.

— Ce cas est-il unique dans la région ?

— Il doit être rarissime. Mais je ne connais pas toutes les statistiques. Savez-vous que tous les chemins de la commune sont macadamisés ? Que nous avons l’eau courante dans toutes les maisons, que nous venons d’inaugurer une aide efficace à nos petites industries locales…

— Comment cela ?

— En leur permettant de nous emprunter de l’argent à un taux très bas pour l’amélioration et la modernisation de leurs ateliers. Nous avons d’ailleurs aussi un prêt aux jeunes ménages.

— Expliquez-moi cela.

— Nous prêtons à tous les jeunes mariés une somme de 10 000 francs, sans intérêt, remboursable en 10 ans à raison de 1000 francs par an.

— Et la commune ne se ruine pas ?

— La commune est riche de ses bois et elle peut se permettre tout cela. Mais d’autres communes pourraient le faire aussi et ne le font pas par pusillanimité sans doute. Le conseil communal vient de prendre une nouvelle décision. Celle-ci jouera en faveur des agriculteurs : nous prêterons aux paysans pour leur permettre l’achat de matériel agricole moderne.

Nassogne n’a pas voulu mourir. Un grand sursaut parcourt le village depuis quelques années et il semble qu’un sang neuf coule dans les veines de ce vieux coin protégé par saint Monon. Ce renouveau dans un village qu’on aurait pu croire condamné, perdu au milieu de ses forêts, manifeste que le sud de la Belgique est fort capable de réagir et de remonter la pente. Il prouve que l’exode rural n’est pas un mal qui ne pardonne pas. C’est un mal qui se guérit. Mais il faut avoir le courage de payer les médicaments indispensables et de soigner sans retard les plaies vives.

Quel village de nos Ardennes nous fera bientôt savoir que Nassogne n’est plus seul à lutter et à vaincre ?

Ce reportage date d'environ 1957, je n'ai pas de date précise.  Il provient des archives de mon papa dernièrement décédé.
Bientôt la suite...

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