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André Blaise, de Nassogne prend sa retraite fin de ce mois. C’était le grand patron de la CSC Transcom.

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Tout le monde a déjà vu André Blaise, de Nassogne, défendre les postiers à la télévision.

Il prend sa retraite après 46 ans de carrière, dont 40 comme militant puis permanent syndical et finalement patron de la CSC Transcom.

En 1970, à l’âge de 18 ans, André Blaise entre à l’Administration de la Poste comme « personne de confiance facteur » (jeune facteur non nommé) pour un salaire de 7000 francs belges. Il est affecté au centre de tri de Bruxelles X où il travaille de nuit. Nommé deux ans plus tard, il passe au tri de nuit du courrier pour le continent américain avant de devenir facteur en 1975, successivement dans les petits villages ardennais de Grupont, Forrières et Tellin.

C’est aussi en 1975 qu’André Blaise devient militant syndical à la CSC, alors appelé Syndicat chrétien des communications. Onze ans plus tard, il passe les examens de contrôleur adjoint (chef-facteur) et va travailler à Namur.

En 1987, il est détaché à la CSC comme adjoint du permanent régional de Namur. André Blaise occupe la fonction de permanent CSC Transcom pour la province de Luxembourg de 1992 à 2000. En 2000, il devient permanent national puis, en 2003, responsable général de la CSC Transcom.

André Blaise poursuit également une carrière politique, mais cela vous le savez sans doute déjà. Il s’est présenté pour la première fois aux élections communales de 2012 dans sa commune de Nassogne, sous l’étiquette CDH et fait le 3e score de préférence. Depuis trois ans, il est échevin responsable du Personnel communal, des Sports, de la Sécurité routière, de la Mobilité, de la Jeunesse et de la Communication.

Ci-après, son interview par Isabelle Lemaire (Source : La Libre)

Vous avez vécu toutes les grandes évolutions de la Poste, notamment l’arrivée du logiciel Géoroute qui organise la tournée des facteurs.
On établit des moyennes de temps pour effectuer une tournée. Aujourd’hui, on en est à la 6e vague et on a augmenté sans cesse la productivité. Au point qu’on a dépassé le point de non-retour puisqu’il y a des malades, des gens qui ne suivent pas. Avec ce genre d’organisation du travail par moyennes, sans tenir compte du relief, de l’âge des postiers, de leur hygiène de vie, ça pose de gros problèmes aux anciens et particulièrement en zone urbaine.

Le rôle social du facteur reste inscrit dans les missions de bpost. Est-il encore possible de l’assurer ?
Le facteur est devenu un livreur qui n’a plus le temps du contact avec la clientèle. Le rôle social du facteur n’est plus applicable et n’est plus assuré, car il n’est pas financé par l’État. Depuis plus de 10 ans, je l’ai dit à tous les ministres de tutelle.

Vous n’avez eu de cesse de vous insurger contre le statut de ces jeunes facteurs contractuels DA que vous appelez low-cost.
Le recrutement des facteurs low-cost, j’ai été le seul à le refuser. Si on n’a pas un accord en convention collective de travail, ils n’ont même pas droit à l’index, à une évolution barémique. Même dans le privé, de tels salaires (10,57 euros bruts de l’heure), ça ne se fait pas. Et c’est l’État qui octroie ces salaires de misère !

Le plan MSO, qui entérine que le travail du samedi est assimilé à un travail de semaine, a été votre dernier combat, mais perdu, car la CGSP et le SLFP l’ont voté. Que craignez-vous pour les travailleurs ?
Je savais que j’allais perdre. Je n’en veux pas aux autres syndicats, mais si on avait été en front commun, on n’aurait pas connu ça. Je pense que quand on touche à l’essentiel des droits acquis depuis des années, on doit dire stop. Certains statutaires ne veulent plus travailler le samedi et s’il n’y a plus de volontaires, on va l’imposer aux jeunes postiers. Et ce sera ça ou la porte.

Comment voyez-vous l’avenir de bpost ?
L’avenir, c’est le colis et on peut demander aux facteurs de distribuer des patates, des pizzas, je serai toujours d’accord, tant que ça se fait dans de bonnes conditions de travail. Ce qui me fait peur, c’est qu’avant la fin de la législature en 2019, je suis convaincu que le capital de bpost sera majoritairement privé. Voilà le merci qu’on a obtenu du gouvernement alors que la Poste est une entreprise publique rentable, une des meilleures entreprises postales d’Europe, voire mondiale, en termes de gestion. Et on fourgue la Poste aux actionnaires privés qui seront là pour rentabiliser au maximum leur argent.

Vous croyez que bpost aura un jour la possibilité d’engager des indépendants et de recourir à la sous-traitance ?
Oui. Dans une bonne dizaine d’années, il n’y aura plus que des contractuels à bpost. Dans la majorité des PME en Belgique, le personnel est mieux traité qu’à la Poste. À l’heure actuelle, nos facteurs low-cost coûtent encore 20 à 30 % plus cher que des indépendants.

Pourquoi avoir choisi la voie de l’engagement syndical ?
Mon premier contact avec le monde syndical remonte à l’enfance. Mon parrain était délégué CSC (bois/bâtiment) et délégué de mutuelle. Il percevait les cotisations syndicales à Nassogne. À la Poste, j’étais affilié à la CSC et j’ai vu dans le journal syndical un appel à recrutement de militants. J’y ai répondu. Plus généralement, je pense que tout travailleur et tout être humain a des droits (et des devoirs) que je me suis battu pour faire conserver.

Quel genre de syndicaliste avez-vous été ?
J’ai un caractère bien trempé et je sais me faire respecter et j’étais craint. J’ai toujours récompensé ceux qui travaillaient ; je n’ai jamais aimé les fainéants. J’étais proche des gens. Je vais manquer à certains managers dont j’étais le porte-parole. À moi, la direction n’osait rien dire.

C’étaient quoi, les combats syndicaux il y a 30 ans ?
On se battait pour plus de droits (pécuniaires, avantages…), sans que la direction nous demande grand-chose en retour. Notre premier gros combat, mené avec le syndicat libéral, c’était à l’aube des années 90. On nous a octroyé des chèques-repas et en contrepartie, on exigeait une augmentation de la productivité de 10 %. Ce taux n’a jamais été atteint : on a obtenu 34 %. La CGSP avait dit non, mais a été bien contente de prendre les chèques repas. C’est à cette époque que s’est opéré le basculement dans la défense des droits. Aujourd’hui, c’est du donnant-donnant.

Vous avez souvent fait cavalier seul dans les combats. Vos homologues socialistes et libéraux ont eu des mots très durs pour vous. Vous sentez-vous responsable de l’éclatement du front commun syndical ?
Non. Je n’éprouve pas de rancune, mais je n’oublie rien. Les attaques m’ont touché. Je suis extrêmement humain, mais dans mon métier, je n’ai aucun sentiment. J’en ai tellement vu… Certains syndicalistes ont peut-être peur du top management. Comme ils sont détachés à leur syndicat, on peut les renvoyer travailler à la Poste s’ils violent la confidentialité, par exemple. Le seul qui a envoyé Johnny Thijs (patron de bpost de 2002 à 2013, NDLR) sur les roses, c’est moi. Contrairement à d’autres, je suis resté le représentant de mes affiliés et ils m’en savent gré. Mes homologues sont des partenaires sociaux, avec toute la notion de partenariat à mes yeux.

Et sans alliance, les batailles étaient perdues d’avance ?
À maintes reprises, je me suis senti comme devant un tribunal et j’avais tout le monde sur le dos. Là où je me suis trompé, c’est que je pensais être rejoint dans le combat contre le Plan MSO (voté en octobre, il réorganise le travail des postiers, NDLR) par des forces politiques de centre gauche et je ne l’ai pas été. J’ai interpellé pas mal de politiques et j’ai été déçu de l’attitude de certains qui n’ont pas défendu les derniers acquis des postiers.

Quelles sont votre plus belle victoire syndicale et votre plus lourde défaite ?
La défaite, car j’étais seul, c’est quand la Poste a décidé de ne plus nommer son personnel au début des années 2000. La victoire… C’est peut-être la seule fois où j’ai dit oui à la direction. Quelques années après que la Poste a engagé des facteurs low-cost, j’ai obtenu pas mal d’acquis pour eux. Les négociations avec le numéro 2 de la Poste ont été épiques. Je lui ai fait croire que j’allais partir à la pension et je lui demandais de céder avant mon départ (rires).

Partez-vous avec le sentiment du devoir accompli ?
En tout cas, j’ai fait l’impossible. J’ai essayé d’être le plus honnête possible, tant avec la direction qu’avec les collègues syndicalistes, même si on n’a pas toujours été sur la même longueur d’onde. Je suis convaincu de ne jamais avoir déçu mes affiliés, mon équipe. Toutes les décisions étaient prises collectivement.

Comment allez-vous occuper votre retraite ?
Si la santé me le permet, je me représenterai en 2018 aux élections communales à Nassogne. Je serai encore plus disponible pour ma commune. Chez moi, on m’appelle le courant d’air. Ma priorité sera donc de consacrer beaucoup plus de temps à ma famille et clairement à ma femme, que je remercie, et à mes deux petites filles. Je ferai du jardinage et je pourrai m’adonner davantage à mes deux passions : le sport (surtout le vélo) et la moto.

André Blaise a connu l’Administration de la Poste, la Régie des Postes puis La Poste et enfin bpost. Quatre noms pour une même entreprise, mais avec des évolutions notables.

« Quand je suis entré en 1970, tous les recrutements étaient politisés. J’étais allé trouver un politicien du coin qui avait interpellé le ministre des PTT Anselme », raconte-t-il.

Tout jeune postier, il conduisait des véhicules qui tiraient des charrettes de courrier. Dans les années 70, le métier de facteur distributeur (le plus beau à la Poste selon André Blaise) n’avait rien de commun avec celui exercé aujourd’hui. « Les facteurs portaient un bel uniforme avec le képi. On était l’ami, le confident de la famille. On entrait partout, même sans frapper (les portes des maisons étaient ouvertes). On rendait des services, payait les pensions, faisait toutes les opérations financières, distribuait et reprenait le courrier (il n’y avait pas de boîtes aux lettres) et on avait le temps pour le faire. Les gens nous offraient des galettes, une petite goutte. Nos étrennes étaient un 13e mois, car le salaire n’était pas extraordinaire. »

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